On retrouve ainsi des personnes plus ou moins connues, issues de milieux variés : des cinéastes, des écrivains, des chanteurs, des acteurs, mais aussi des hommes et femmes de presse ou même des personnalités politiques, à l'instar de Carine Petit, Maire du 14ème arrondissement de Paris qui a pris place sur des cartons dans un abribus de la capitale. Certains décrivent les expériences qu'ils ont vécu et leur ressenti lors de cette mise en scène troublante, sur le site de Marc Melki, ou l'on peut également admirer quelques-unes de ces photos.
L'exposition se tiendra du 27 février au 17 mars à Paris, dans la Mairie du 18ème arrondissement, avec un vernissage le vendredi 3 mars à 18h30. Vous pouvez suivre Mark Melki sur Twitter ou vous abonner à la page Facebook du projet
YOLANDE MOREAU — actrice, réalisatrice
Crédit photo : Marc Melki
NATACHA RÉGNIER — actrice
"Depuis longtemps, je me pose la question, à chaque nouveau sans domicile fixe que je croise. Qu’est-ce qui a fait pour qu'il ou elle se retrouve là ? Quel est le début du basculement? Une rupture, une dépression, un emprunt qu'on ne peut plus rembourser, un métier qui s'exerce jeune et une difficulté à se reconvertir, un décès, ...? Ça me tord les boyaux ! Je me suis toujours dit que ce genre de bascule peut arriver bien plus vite qu'on ne peut l'imaginer et ça me fait une grande peine. Ce qui se passe dans le monde avec la paupérisation des classes moyennes, l'enrichissement des grands patrons, la politique des banques, l'isolement de certaines familles monoparentales, les guerres et les flux migratoires, cela empire de manière exponentielle. On voit de plus en plus, dans la rue, des femmes seule avec des bébés ou des familles avec enfants. On ne peut plus rester sans rien faire."
CAROLINE DUCEY — comédienne
Crédit photo : Marc Melki
"Je rentre de notre rendez-vous avec Marc Melki. Je me suis allongée sur des cartons, avec quelques couvertures pour oreiller et une sur mon cœur ou corps je ne sais plus, dans un abri autolib’. Marc a pris quelques photos. Cet hiver j’ai eu peur puis honte au moins 3 fois, je suis restée bloquée à côté d’une forme allongée par terre, un être humain, face contre le sol enroulé dans un vague sac de couchage, je ne savais pas si cette personne était vivante ou morte. La seule manière d’en avoir le cœur net aurait été de toucher cette personne. Je n’ai pas osé car j’ai eu peur de chopper un microbe ou autre, mon bébé n’a qu’un an, avec l’hiver et la crèche elle est malade toutes les 2 semaines, moi-même je suis fébrile, je joue au théâtre le soir, bref la vie de quelqu’un qui a un toit, qui peut donc être en activité, et qui a peur d’être contaminé et que cela brise l’équilibre de cette journée que je dois mener à bien, je choisis donc de penser à moi et ma famille plutôt qu’à cet autre allongé là à même le sol et qui ne bouge pas. J’ai appelé le Samu social pour signaler la présence de cette personne à l’abandon et suis partie. La dame du Samu m’a dit que ce sont les gens dans le besoin qui doivent demander eux-mêmes de l’aide, qu’une maraude passerait sûrement. Quand ces gens n’ont plus la force de demander ? Quand vers 11h du matin sur le quai du métro, en sortant de la rame, une même forme est allongée et qu’une mère entraîne son enfant par la main pour l’empêcher de vouloir toucher cette forme parce que l’enfant ne comprend pas ce que cette personne fait ainsi étendue par terre face contre sol et qu’il veut lui porter secours instinctivement, que fait-on ? Avoir un toit est la condition indispensable pour tenir debout et se mettre à vivre."
Cali — chanteur
Cali — chanteur
Crédit photo : Marc Melki
« C’est une mise en scène. Je suis allongé sur des cartons, enveloppé dans des couvertures de fortune, dans cet espace auto-lib dont le propriétaire a pris soin d’enlever les parois de verre, qui auraient pu me protéger du vent glacial. Il fait très froid à Paris ce matin, comme depuis le début de l’hiver et, j’imagine, jusqu’au printemps. Sous la direction de Marc le photographe, je ferme les yeux, comme endormi. Et si c’était moi? Il shoote mon corps étendu comme un sac de désespoir à même le sol. Quand on est couché par terre, la musique des pas qui passent et résonnent sur le trottoir juste au-dessus de la tête est étrange. Fascinante. Inquiétante. Des pas d’enfants? De vieux? De mamans? D’amoureux? … Elle ne s’arrête jamais. Personne ne s’arrête jamais.»
Photographies publiées avec l'accord de l'auteur