Si vous êtes Arabe ou voilée, la brasserie L'Avenue à Paris vous refusera l'entrée ou votre réservation

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BuzzFeed a enquêté sur la célèbre brasserie de l'angle de l'avenue Montaigne, L'Avenue. Le constat est clair et alarmant : la direction se réserve le droit de refuser, systématiquement les personnes d'origine maghrébine et les femmes voilées. Attention, les gens « moches » et les « gros » sont également discriminés. Voir et être vu, voilà la politique de l'enseigne.

À L'Avenue, on ne rigole pas avec la nourriture. Encore moins avec la clientèle. Haut de gamme, cette brasserie rameute tout le gratin. Et d'après une enquête édifiante, réalisée par BuzzFeed, la direction de L'Avenue applique une politique bien spéciale pour trier sur le volet ses clients. Cyril Hanouna, le présentateur de « Touche pas à mon poste » et fervent défenseur des femmes voilées sur le plateau de son émission, qui a ses petites habitudes dans cette brasserie, serait bien embêté de savoir les dessous de cette adresse, prête à tout pour ne pas entacher son image.

Cap sur Paris, au cœur de l'avenue Montaigne, célèbre pour ses belles boutiques, ses beaux hôtels et ses bons restaurants. Et si vous avez envie d'une adresse où vous serez à même de croiser des célébrités, le rendez-vous se fera à L'Avenue, brasserie célèbre pour sa décoration, son emplacement et ses clients. La nourriture semble moins importante, donc. Et à ce prix-là, Jean-Louis Costes, le propriétaire des lieux, ne veut pas que sa brasserie comporte de fausses notes. Quitte à user de techniques plus que douteuses et plus particulièrement d'un système de discrimination qui fait froid dans le dos. À L'Avenue, les femmes voilées et les Arabes ne sont pas les bienvenus.

Des prétextes pour refuser les Arabes et les femmes voilées

Le site BuzzFeed a mené son enquête et a rencontré quatre serveuses, qui ne sont plus en service dans cette brasserie, où la nonchalance et le comportement hautain des serveuses et hôtesses sont bien souvent décriés. Ces quatre femmes sont unanimes : dans cette brasserie de « luxe », il est impossible de prendre des réservations de personnes au nom « d'origine arabe », selon les dires du directeur, comme le relate BuzzFeed. Même chose pour les touristes venant du Moyen-Orient, même fortunés : « Le directeur, Alexandre Denis, dit souvent qu'il préfère avoir deux personnes blondes, belles, en terrasse, avec deux cafés, plutôt que des femmes voilées, même si elles sont riches » confie Anaïs (tous les prénoms ont été modifiés) à BuzzFeed.

Comment les refuser, sans leur faire comprendre la véritable raison ? « Celles-là (les femmes voilées), on devait les refuser, et à chaque fois qu'une hôtesse prenait une réservation d'un client avec un nom arabe, il demandait qui avait pris cette réservation et rappelait la consigne de les refuser autant que possible en faisant croire que le restaurant est complet ». Toujours selon Anais, « on devait proposer les derniers services, par exemple 15 heures ou 22 heures », dans le cas où l'interlocuteur insistait pour une table. Désuet ? Cette ancienne serveuse a assuré au site que cette technique est bel et bien toujours à l'œuvre à l'heure où nous écrivons ces lignes.

Des gens « beaux et présentables » exigés

Serveuses mais pas que. En effet, « de toute façon, le tri est systématiquement fait dans les noms. On en est réduit à ça, et cela nous mine » déplore Anais. Et si, malgré tous les efforts prodigués par ces dernières, le système de tri échoue, les clients seront installés à l'étage, comme l'assure Claire, une autre ancienne employée. Églantine, ancienne manager du restaurant, affirme que « quand les clients arrivent et qu'on s'aperçoit qu'ils viennent du Moyen-Orient ou que ce sont des femmes portant un voile, on les refuse en cachant leur réservation sur le cahier et en leur disant que c'est complet ».

Une situation dont les clients du Moyen-Orient sont les plus victimes, selon Flore, qui estime qu'ils sont davantage discriminés que les Asiatiques ou les Noirs, « même s’il ne faut pas qu’il y en ait trop ». Des accusations que le directeur, Alexandre Denis, se refuse à avouer, interrogé par BuzzFeed, le 15 mai : « Il y a toutes les cultures, toutes les nationalités qui viennent ici. Il y a des gens du Moyen-Orient, il y a tout ce que vous voulez. Si vous voulez mettre le feu en nous dénonçant comme des gens racistes, voilà... On gérera autant que possible mais ce n'est pas ça. (...) Ce qui est certain, c'est que je n'ai jamais donné de consigne pour refuser des clients »

« Ils font du forcing pour 2 demain midi au nom de Al Saoud »

BuzzFeed est parvenu à se procurer des discussions WhatsApp entre hôtes et hôtesses. D'une violence inouïe, ce groupe de discussion fait part des dernières réservations et des consignes pour les jours suivants. Des consignes d'un genre nouveau : « Bonjour les filles, pour vous avertir aujourd'hui, il faut refuser les réservations du Plaza-Athénée et du George V. Ils nous envoient de la merde et nous mentent. » La merde ? Selon Anais, ce sont « des gens dont on pense qu'ils sont musulmans ». Plus encore, parce que rien n'est jamais assez en termes de système discriminatoire, la direction a également pensé à un cahier d'alerte, où les indicatifs des pays du Moyen-Orient sont inscrits. Plus simple de ne pas répondre.

Alors, pour en avoir le cœur net, les journalistes de BuzzFeed ont tenté de faire une réservation depuis le Qatar, au nom de « Ahmed », demandant une table pour 4 personnes le mardi 1er mai. Réponse de l'interlocuteur : « Malheureusement, mardi, c’est déjà complet, mais j’ai 22 h 30 ». Et même si les journalistes se sont montrés flexibles quant à leurs dates, proposant ainsi le mercredi ou le jeudi, rien n'y a fait. Tout était complet. Alors, ils ont tenté au nom de « Yann » et miracle. Réservation acceptée pour le mardi 1er mai.

« Les clients pas assez beaux pour le rez-de-chaussée »

Apparemment, « les vieux, les moches, les gros, les touristes asiatiques....» récoltent aussi leurs lots de discrimination. Une pratique dénoncée par un groupe de serveuses qui, selon BuzzFeed, a averti l'inspection du travail, qui pour le moment se mure dans le silence. Ces clients que la direction ne juge pas assez présentables, sont selon ses serveuses, « pour le rez-de-chaussée » là où on ne peut pas les voir.

Et si on se balade sur des sites de critiques, L'Avenue, est très souvent pointé du doigt pour ces pratiques. Sur TripAdvisor, un internaute fustige : « le restau s'appelle Apartheid pas Avenue ». Un autre est interloqué par la façon de sélectionner les clients : « Si votre 'profil' ne correspond pas à l'image qu'elles se font de l'établissement, elles vous refusent l'entrée sous des prétextes fallacieux ! (...) ». Ou encore, cette internaute qui s'est sentie rabaissée : « Relégués au fond de la salle, avec les vieux, probablement parce que mon mari n'a pas beaucoup de cheveux ! Plusieurs tables en véranda sont pourtant restées vides, malgré nos demandes répétées d'une autre table. »

Alexandre Denis, directeur tyrannique

Églantine, se confie à BuzzFeed et note le climat anxiogène du restaurant : « Toutes les serveuses de L'Avenue ont peur. Elles ont peur de perdre leur travail car elles sont pour la plupart vulnérables avec des enfants à charge et des crédits. Et elles ont surtout peur d'Alexandre Denis » après avoir évoqué les accusations de harcèlement sexuel et moral exercé sur ses serveuses.

Et les témoignages de la plaignante, attestent d'une violence sans précédent, qui a valu au restaurant, en 2013, la reconnaissance d'un harcèlement sexuel : « Parfois, quand elle manifeste son mécontentement, il prend de la bave de son chien et la lui étale sur une épaule, il lui donne un coup de pied dans les jambes, pour lui faire mal et au risque qu’elle fasse tomber les piles d’assiettes. »

De quoi couper la faim.

Source : BuzzFeed

Au sujet de l'auteur : Pauline Masotta

Journaliste