Celles et ceux qui ont « brisé le silence » élus personnalités de l'année par le magazine Time

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Depuis 1927, la rédaction hebdomadaire du magazine américain Time désigne la personnalité de l’année qui a le plus marqué l’année écoulée, pour le meilleur ou pour le pire. Et, comme vous l’aurez compris, cette année il ne s’agit pas d’une mais de plusieurs personnes. Celles et ceux qui ont osé sortir de l’omerta autour du harcèlement sexuel.

Mercredi 6 décembre, après plusieurs estimations, le Time a révélé sa personnalité de l’année. Et non, il ne s’agit pas de Donald Trump, comme celui-ci l’avait laissé entendre, se targuant d’avoir été appelé par le magazine qui lui aurait indiqué qu’il serait « probablement élu ». Ce à quoi, Time a immédiatement démenti. Ironique lorsque l’on sait qu’il était lui-même accusé de harcèlement sexuel…

Cette année, en plus de ne pas élire un homme, en majorité numérique comme c’est le cas depuis 1927, - Elisabeth II, Wallis Simpson, « les Américaines », Corazon Aquino faisaient figure d’exception au sein d’une liste à dominante masculine - et plus récemment, en 2015, Angela Merkel, le magazine a décidé de mettre en lumière toutes les personnes, hommes et femmes confondus, qui ont décidé de sortir du silence qui pesait au sein de la sphère hollywoodienne, «les briseurs de silence»

 

Vous connaissez la chanson. Tout part d’un article du New York Times qui publie le 5 octobre dernier une enquête concernant le monstre du cinéma Hervey Weinstein, visé par plusieurs plaintes pour harcèlement sexuel et agressions sexuelles soumises par plusieurs actrices américaines. S’en suivait une véritable déferlante de femmes l’accusant de multiples inconduites à leur encontre. Résultat : une véritable débâcle pour cet homme que l’on pensait intouchable.

«Arrêter d’accepter l’inacceptable»

En plus de créer une vive polémique autour du rapport à la sexualité entre les hommes et les femmes médiatisés (ou non) et d’entraîner sur son passage d’autres fortes têtes du cinéma, un véritable mouvement s'est dessiné sur les réseaux sociaux. Et c’est bien connu, le monde amène le monde. Les langues se délient alors. Et ce sont ces mêmes langues qui depuis hier, sont mises à l’honneur par Time, constituant ainsi le 90ème nom de « la personnalité de l’année du magazine ».

Quartz

A la une du magazine, on retrouve l’actrice Ashley Judd, Taraba Burke qui était à l’initiative du mot-dièse «Metoo» dix ans auparavant et repris par Alyssa Milano en octobre. La très populaire chanteuse Taylor Swift s’y dévoile également aux côtés de Susan Fowler, l’ex-employée d’Uber, la lobbyiste Adama Iwu et l'employée agricole Isabel Pascual.

Elles ont alerté l’opinion publique, elles ont utilisé à bon escient leur notoriété ou ont tout simplement connu un ras-le-bol de se leurrer dans un silence de plomb. « Les actions galvanisantes des femmes sur notre couverture (...) ainsi que celles de centaines d'autres et de beaucoup d'hommes, ont déclenché l'un des changements de vitesse les plus rapides que notre culture ait connu depuis les années 60 », a expliqué Edward Felsenthal, rédacteur en chef du magazine.

The Daily Dot

 

Si Edward Falsenthal , rédacteur en chef du Time, a décidé d’en faire les personnalités de l’année, c’est « pour avoir donné une voix à des secrets de polichinelle, pour être passés du réseau des chuchotements aux réseaux sociaux, pour nous avoir tous poussés à arrêter d'accepter l'inacceptable, les briseurs de silence sont personnalité de l'année»

Pour l’une ces personnalités, une bataille de gagnée

Il n’est pas sans rappeler que Taylor Swift avait intenté un procès contre le DJ David Muller il y a quatre ans. Elle reprochait à ce dernier de lui avoir pincé les fesses, passant ses mains sous sa robe lors d’une séance photos. Cependant, et malheureusement comme beaucoup de femmes, la chanteuse n’avait pas osé rendre l’affaire publique, oubliant toute tentative de justice.

Mais voilà que l’accusé devenait la victime après s’être fait licencié pour cette inconduite rapportée par le manager de la plaignante. A l’époque des faits, le DJ réclamait trois millions de dollars pour dommages et intérêts, accusant la chanteuse de mentir. Face à cette décision, elle avait alors décidé de contre-attaquer réclamant un dollar symbolique (on dit bravo) pour « servir d’exemple à d'autres femmes qui pourraient résister publiquement à revivre des actes scandaleux et humiliants similaires ». Elle obtenait finalement justice le 14 août dernier. Une petite victoire dans cette si grande bataille. 

Time

Après cet épisode déplorable, silence radio du côté de la chanteuse. Puis le 10 novembre, « Reputation » signe le retour de Taylor Swift. Son retour artistique mais aussi son retour à la parole. Et elle a expliqué pour la première fois la manière dont cette histoire a pu l’affecter : « Vous pourriez vous sentir comme si vous réagissiez de manière excessive, parce que la société a rendu ces affaires banales » et de rajouter : « Les courageux hommes et femmes qui se sont manifestés cette année ont tous fait bouger les choses en faisant savoir aux gens que cet abus de pouvoir ne devrait pas être toléré »

Un choix de personnalités qui met donc en lumière le choix des hommes et des femmes de s'accorder sur un sujet encore trop répandu et trop peu sanctionné, faute de mots à apposer, en dépit d'importants maux. 

On aurait presque envie de chanter « You don’t own me » ("Tu ne me possèdes pas", ndlr) ! Après tout, Lesley Gore ou Taylor Swift, who cares ? Tant que le combat est le même…

Source : Huffington Post

Au sujet de l'auteur : Pauline Masotta

Journaliste