Décès de l'actrice franco-italienne Claudia Cardinale, connue notamment pour ses rôles dans « Le Guépard » et « Il était une fois dans l’Ouest ».
On la surnommait « La petite fiancée de l'Italie », mais elle était bien plus que ça.
L'actrice franco-italienne Claudia Cardinale, icône du cinéma des années 60, est décédée ce mardi 23 septembre à l'âge de 87 ans, dans la ville de Nemours (Seine-et-Marne), où elle vivait depuis des années.
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Originaire de Tunisie française et arrivée dans le cinéma totalement par hasard, elle était devenue peu à peu un monument du Septième Art, grâce à des rôles mythiques, notamment dans « Le Guépard » et « Il était une fois dans l’Ouest ».
Femme engagée et ouvertement féministe, elle fut par ailleurs une inspiration maintes et maintes fois érigée en modèle.
Considérée comme la muse de l'âge d'or du cinéma italien, Claudia Cardinale aura joué dans plus de 150 films durant sa carrière, qui s'est étalée sur six décennies. Star incontestée, elle avait été récompensée d'un Lion d'Or à Venise en 1993 et d'un Ours d'Or à Berlin, en 2002.
Celle qui aura tourné avec les plus grands, de Luchino Visconti à Sergio Leone, en passant par Federico Fellini, Henri Verneuil ou encore Werner Herzog, laissera à jamais le souvenir d'une femme libre et indépendante, dont le talent, la voix rauque, mais aussi la beauté, à la fois volcanique et mystérieuse, auront marqué plusieurs générations de cinéphiles.
D'abord mariée au producteur italien Franco Cristaldi, Claudia Cardinale fut ensuite la compagne du réalisateur Pasquale Squitieri. Mère de deux enfants, elle était à leurs côtés lorsqu'elle a rendu son dernier souffle.
Claudia Cardinale est morte
Née à La Goulette, en Tunisie, alors protectorat français, le 15 avril 1938, Claude Joséphine Rose Cardinale est l'aînée d'une fratrie de quatre enfants. D'un père italien et d'une mère française, elle grandit dans les faubourgs de Tunis, dans le quartier que l'on appelait autrefois « La Petite Sicile », en raison de l'importante communauté sicilienne qui s'y est établie dès la fin du XIXe siècle.
Enfant espiègle au fort caractère, pour ne pas dire garçon manqué, elle ne se prédestine en aucun cas aux métiers artistiques et encore moins au cinéma. Possédant un diplôme d'enseignante, elle se dirige en effet vers une carrière d'institutrice, mais son destin va basculer presque par hasard, au sortir de l'adolescence. En 1957, à l'âge de 18 ans, elle remporte un concours de beauté local, alors qu'elle... n'y participe pas. Élue « plus belle italienne de Tunisie » durant la « Semaine du film italien à Tunis », Claudia remporte, en guise de prix, un voyage dans la Botte pour assister à la prestigieuse Mostra de Venise. Sa beauté, son charme et sa prestance y font alors sensation.
Sur les conseils de plusieurs producteurs et réalisateurs locaux, époustouflés par sa photogénie, elle décide d'entamer un cursus en arts dramatiques au Centro sperimentale di cinematografia (CSC) de Rome, mais elle abandonne au bout de 3 mois. La barrière de la langue italienne qu'elle comprend un peu, mais ne parle pas, ou sinon avec un accent trop prononcé au goût de ses mentors transalpins, a raison de sa motivation. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle sera, par la suite, doublée durant des années à la demande de ses réalisateurs italiens.
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De retour à Tunis, elle signe tout de même un contrat avec le producteur turinois Franco Cristaldi, avec lequel elle se mariera en 1966. Après avoir joué un tout premier rôle de figurant dans le film « Goha », avec Omar Sharif en 1958, elle débute réellement au cinéma, la même année, dans la comédie « Pigeon » (1958) de Mario Monicelli. Malgré son peu de réplique, sa beauté crève l'écran et on la surnomme bientôt « La petite fiancée de l'Italie ». Sa carrière semble alors lancée, mais celle-ci s'avère menacée d'entrée par un drame personnel.
Sur le tournage de « Pigeon », Claudia découvre ainsi, non sans effroi, qu'elle est enceinte. Cette grossesse est en réalité le fruit d'un viol commis par un homme, qui l'a brièvement enlevée avant de lui imposer une relation, qu'elle qualifiera, bien plus tard, de « terrible ». Préférant garder l'enfant, l'actrice ne dit rien pendant 7 mois et continue de tourner, notamment dans le film « Trois Étrangères à Rome » de Claudio Gora.
Mais elle vit mal la situation et sombre dans une profonde dépression. Ne pouvant plus cacher son état, elle se sent incapable de poursuivre son nouveau métier et demande à Cristaldi de casser son contrat. Pour ne pas mettre en péril sa carrière, ce dernier refuse et lui conseille d'aller accoucher en secret à Londres. Prénommé Patrick, son fils, qui naît le 18 octobre 1958, sera ensuite élevé par les parents de Claudia et présenté comme son petit frère pendant 7 ans, avant que l'actrice ne révèle enfin la vérité.
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De retour sur les plateaux, elle figure au casting de 3 films notables en 1959, « Les Noces vénitiennes » d'Alberto Cavalcanti, « Nous sommes tous coupables », de Luigi Zampa, et « Entrée de service » de Ralph Thomas. Mais c’est avec « Meurtre à l'italienne » (1959) de Pietro Germi, sorti la même année, que son ascension commence véritablement. Possédant l'un des premiers rôles, Claudia Cardinale se révèle véritablement aux yeux de la profession. Sa performance est alors saluée par la critique, notamment Federico Fellini et Pier Paolo Pasolini qui lui prédisent un grand avenir.
En 1960, Claudia, âgée de 22 ans, tourne pour la première fois sous les ordres de Luchino Visconti dans le classique « Rocco et ses frères », aux côtés d'Alain Delon, Annie Girardot et Renato Salvatori, qu'elle avait connu sur le tournage de « Pigeon ». En 1961, elle crève à nouveau l'écran dans « La Fille à la valise » de Valerio Zurlini. Ce film lui ouvre les portes de la Croisette à Cannes, où certains n'ont d'yeux que pour elle et la surnomment « La Bardot Brune ». Les deux actrices, « BB » et « CC », se donneront d’ailleurs la réplique dans le film « Pétroleuses », une dizaine d'années plus tard.
Entre-temps, elle joue sous la direction d'Abel Gance dans « Austerlitz » (1960), Henri Verneuil dans « Les Lions sont lâchés » (1961), Philippe Broca dans « Cartouche » (1962), ou encore Federico Fellini dans « Huit et demi ». En 1963, elle retrouve Visconti et Delon pour « Le Guepard », avec Burt Lancaster, qui deviendra un film mythique, récompensé par la palme d'or du Festival de Cannes. Toujours en 1963, elle fait ses premiers pas dans le cinéma américain avec « La Panthère rose » de Blake Edwards. Elle enchaîne, en 1964, avec « Le Plus Grand Cirque du monde » d’Henry Hathaway, dans lequel elle côtoie les stars hollywoodiennes John Wayne et Rita Hayworth. La même année, son interprétation de Mara dans « La Ragazza » de Luigi Comencini, son premier film non doublé, fait l'unanimité.
S'ensuivent alors 10 années de succès, entre l'Italie et Hollywood, durant lesquelles Claudia Cardinale devient une star internationale et une des plus grandes actrices de tous les temps. C'est durant cette période, en 1968, qu'elle tourne dans le chef-d'œuvre de Sergio Leone « Il était une fois dans l’Ouest ». Unique personnage féminin au milieu d'un duo de cadors du cinéma, composé d'Henry Fonda et Charles Bronson, elle interprète à merveille le rôle d'une femme forte qui lui sied à ravir.
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À partir de 1974, sa carrière commence à décliner, mais elle va néanmoins continuer de tourner une soixantaine de films de 1975 à 2023, dont 10 sous la direction du réalisateur napolitain Pasquale Squitieri, qui deviendra son compagnon pendant 30 ans et le père de sa fille Claudia.
Discrète ces dernières années, Claudia Cardinale jouissait d'un statut d'icône indémodable. Elle était « une comédienne aventurière, femme indépendante et citoyenne engagée », rappelait le Festival de Cannes, en 2017.
« Elle est la seule fille simple et saine dans ce milieu de névrosés et d'hypocrites », disait d'elle Marcello Mastroianni.
Autant de louanges qui rappellent à quel point Claudia Cardinale aura marqué son époque et au-delà.