Pourquoi la langue française est-elle appelée langue de Molière ?

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Le français a toujours été connu comme étant la «langue de Molière». Zoom sur l’origine de cette appellation et de cette langue qui ne cesse d’évoluer !

D’où vient l’expression «langue de Molière»?

La langue française est assimilée depuis le XIXe siècle au célèbre dramaturge Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière. Derrière cette glorieuse périphrase se cachent des accents, un style ainsi qu’une langue très diversifiée. Qu’est-ce que ce talentueux auteur du XVIIe siècle a apporté au français que nous utilisons aujourd’hui? Pourquoi a-t-il été élu ambassadeur du français? Pourquoi pas Pascal, Racine ou Balzac?

Aujourd’hui et depuis le XIXe siècle, l’expression «langue de Molière» désigne la langue française. L’habitude de donner à chaque grande langue le nom d’un auteur renommé de son pays en est à l’origine. L’espagnol est par exemple la «langue de Cervantès» quand l’Anglais est la «langue de Shakespeare». En France, c’est à Molière, comédien et dramaturge de renom du XVIIe siècle qu’a été associée la langue française. Il est devenu une vraie star à la cour du roi Louis XIV grâce à ses comédies.

Langue de Shakespeare. Crédit : Unsplash

L’usage de l’expression «langue de Molière» a commencé après la disparition de Jean-Baptiste Poquelin et quand ses pièces furent jouées dans les grandes capitales d’Europe. Bien que Jean-Baptiste Poquelin ait été concurrencé par Voltaire ou encore Hugo, il a remporté la palme de l’antonomase. La langue française est devenue celle de Molière.

Molière: un génie de la langue pas comme les autres

La langue française est nommée «langue de Molière» en reconnaissance au génie de l’un des auteurs les plus connus du XVIIe siècle. Touchant un public très large, Molière reste même aujourd’hui le passeur d’une langue faisant partie intégrante du patrimoine français. Bien qu’il incarne la langue classique, ce célèbre auteur doit sa renommée à ses pièces particulièrement riches et qui cassent les codes de l’époque. Cela est notamment observé dans Les femmes savantes où le personnage de Martine censé porter le bon sens fait des fautes partout.

Cependant, Molière n’est pas l’unique grand auteur associé à la langue française. Le français est une langue extrêmement riche qui regorge de synonymes.

La langue de Molière: une langue qui réconcilie

Molière possède un talent incomparable par rapport aux autres auteurs de son époque. Il est capable de s’adresser à n’importe quel type de public, qu’il soit royal à la cour de Versailles ou populaire lors de ses tournées en France. En plus d’être facile à comprendre, son français fait rire dans toutes les classes de la société. Selon Martial Poirson qui a publié «Molière, la fabrique d’une gloire nationale», il réconcilie la langue des bateleurs avec celle des aristocrates et des bourgeois.

Le succès de ce grand écrivain et dramaturge s’étend au-delà des frontières. De son vivant, il a été élu ambassadeur du français qui allait connaître un véritable essor et se répandre dans toutes les cours d’Europe, jusqu’en Russie. La langue de Molière se place ainsi comme celle des classes dominantes du continent et véhicule la distinction sociale.

La tournure comique de sa langue provient de la parodie de certaines de ses expressions qui déforment ou alambiquent la langue: charabia, pédantisme, archaïsmes… à partir de cette période, le français le plus clair se révèle dans toute sa splendeur.

Langue française. Crédit : Unsplash

Quinze ou seize ans après la disparition de Molière, La Bruyère affirmait qu’il n’a manqué à Molière que d’éviter le jargon et d’écrire purement. Puis, quelques années plus tard, Bayle disait, dans l’article Poquelin de son grand Dictionnaire, que l’écrivain pouvait former facilement des vers, mais se donnait trop de liberté et créait de nouveaux termes et de nouvelles expressions. En plus d’un jargon bien à lui, Molière sortait même des barbarismes.

La polyphonie française dans la langue de Molière

Une notion de filiation se cache derrière l’idée de «génie de la langue». En effet, un héritage linguistique est né de l’identité d’une communauté. Toutefois, la question qui se pose est la suivante: parle-t-on réellement français de la même manière que Molière? La réponse est non, tout comme l’anglais de Boris Johnson n’est pas celui de Shakespeare.

Il est important de noter que la langue de Molière est avant tout celle de ses personnages. En effet, Jean-Baptiste Poquelin faisait partie des premiers à faire parler en prose. Entre Les Précieuses ridicules, Dom Juan et son Pierrot paysan, ni le registre ni l’accent de Molière n’ont été conservés. Il serait aujourd’hui difficile de parler, littéralement, dans la vraie vie, la langue de Molière. L’orthographe ainsi que le vocabulaire de ses pièces ont extrêmement évolué. Les auteures du Français est à nous ont même fait remarquer que certaines de ces tournures grammaticales nous sont inconnues. Chez Molière, par exemple, le pronom est situé avant le verbe. Au lieu de dire «vient vous embrasser», il dit «vous vient embrasser». Moins fixe, la graphie diffère également de la nôtre étant donné que les imprimeurs n’utilisaient pas à l’époque les lettres «u», «i», j»» et «v» selon leur prononciation. Il est donc impossible d’écrire la langue de Molière ou de parler réellement comme lui, d’autant plus qu’il s'est éteint avant la publication du premier dictionnaire de l’Académie française et la publication du premier dictionnaire unilingue de français. En réalité, les textes dits classiques de Molière étudiés aujourd’hui en classe sont modernisés dans leur graphie.

En outre, certains des dialectes, prononciations et accents des personnages de Molière comme «biaux maîtres» peuvent aujourd’hui sonner étrangement à nos oreilles. Néanmoins, ces derniers sont compris puisqu’ils utilisent le jargon de leur fonction sociale, celui de la femme savante, de la servante ou du médecin. Selon le critique littéraire Ferdinand Brunetière, Molière écoute parler ses personnages au lieu de leur imposer sa manière à lui de parler. De même, le célèbre dramaturge fait souvent rire à travers le type de discours étant donné qu’il parlait peu.

Drapeau français. Crédit : Unsplash

400 ans après sa naissance, Molière demeure l’incarnation de l’esprit français

Pour la célébration de ses 400 ans le 15 janvier, des élèves du célèbre lycée Montaigne ont joué en décembre des extraits de certaines pièces du prestigieux dramaturge. À l’heure des réseaux sociaux et des joutes verbales, l’apprentissage de la langue de Molière perdure dans les écoles à travers les cours de français. Jean-Baptiste Poquelin reste aujourd’hui l’auteur français le plus lu, joué et traduit dans le monde entier.

Incarnant l’esprit français, Molière paraît encore moderne malgré les trois siècles et demi qui sont passés. Ce bricoleur de génie avait le talent pour pincer les ambitieux ou les snobs. Sa plus grande invention, selon Georges Forestier, est sa facilité à faire parler les personnages selon leur condition, qu’il s’agisse d’un paysan, d’un médecin ou de gens du monde.

Si Racine semble complexe et Corneille très vieillot, Molière reste vivace. Le français aurait pu également être appelé «langue de Voltaire», mais ce dernier n’a pas la prospérité de Molière. D’autant plus que la langue de Molière mélange le familier et le soutenu, la prose et les vers et utilise même l’Occitan. Les lecteurs et les spectateurs de toutes les époques y trouvent leur compte puisque la palette est si large.

Langue de Molière, un héritage sans frontières

Le style «french» hérité de Molière est mondial et trouve partout des adaptations possibles. Quant aux pays francophones, Molière leur a transmis aussi bien sa langue qu’une arme de libération à travers le rire.

De nos jours, Molière touche encore un public très large. C’est la raison pour laquelle il est devenu le passeur d’une langue intégrée dans la vie quotidienne. En plus de sa plume, le célèbre auteur doit sa réputation à sa capacité à embrasser toutes les couches de la société. À la fois ami du roi et du peuple, Molière portait la parole par la transgression du rire.

La figure emblématique de l’art français célèbre ses 400 ans cette année. Entre les expositions, les parutions et divers autres évènements, cette célébration portera un nouveau regard sur le dramaturge français le plus joué dans le monde. Cela commence en librairie avec de nombreuses parutions autour de l’écrivain. Le 6 janvier, Gallimard a publié le coffret Pléiade Molière qui rassemble ses œuvres complètes en deux volumes. Le premier tome regroupe Les précieuses ridicules, Sganarelle, L’école des mariés et Le cocu imaginaire. Quant au second tome, il comprend La gloire du Val de Grâce, L’avare, L’imposteur et Tartuffe.

Du 15 janvier au 17 avril, l’exposition Molière, la fabrique d’une gloire nationale aura lieu à Paris, à Versailles. Pas moins de 200 œuvres autour de la généalogie du grand dramaturge seront mises en scène. Puis en mai se tiendra l’inauguration d’une statue de Molière et sera suivie en juin par le Mois Molière. À noter que cette 26e édition sera l’occasion de voir des spectacles et des animations moliéresques dans les théâtres de la ville, notamment au Théâtre Montansier où aura lieu le colloque sur Molière sans frontières.

Tout comme Balzac ou Saint-Simon, Molière n’est pas toujours correct, mais reste vivant. En tout cas, la langue de Molière est une langue sociale à travers laquelle peuvent s’exprimer une variété de caractères, révélés par des bons mots et des formules.

Sources:

https://www.aiemont.com/visioncroisee/la-langue-de-moliere-origine-de-lexpression/

https://www.lefigaro.fr/langue-francaise/actu-des-mots/pourquoi-parle-t-on-de-la-langue-de-moliere-20220105

https://www.ladepeche.fr/2022/01/09/le-francais-langue-de-moliere-aussi-classique-quagile-10035829.php

https://www.franceculture.fr/litterature/pourquoi-dit-parler-la-langue-de-moliere

https://www.rfi.fr/fr/connaissances/20220107-depuis-400-ans-moli%C3%A8re-sans-fronti%C3%A8res


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Au sujet de l'auteur : Céline Gautier

Journaliste