“Miskine” : l'origine et la signification de ce mot

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« Miskine » est couramment utilisé par les jeunes. D’où vient-il ? Voici en détail ce qu’il faut retenir sur ce mot d'argot qui signifie pauvre ou misérable.

Définition et origine de miskine

Le mot « définition » au-dessus d’un livre ouvert Crédit photo : juststock

Régulièrement utilisé par les adolescents français, le mot « miskine » signifie pauvre, pathétique ou misérable. Ce mot d’argot désigne une personne ayant échoué dans la vie. Ce terme peut être employé dans un sens compréhensif, suivant le mot d’origine. Il s’utilise également dans un sens moqueur suite à une déformation de son usage. En d’autres termes, miskine est une interjection qui montre une pitié empreinte de compassion.

En plus de cette courte définition, Aurore Vincenti précise dans son œuvre Les mots du bitume que le terme miskine renferme une signification ancienne et plus profonde. L’auteur rappelle que le miskine, en akkadien, évoque une personne appartenant à une classe sociale intermédiaire, ni totalement asservi ni complètement livre. À rappeler que l’akkadien est une langue sémitique du Proche-Orient utilisée du III au Ier millénaire avant Jésus-Christ. Dans la langue akkadienne, le mot « mushkénu » désigne un être qui ne possède pas de rang. Le miskine est celui qui se soumet, le « faible ». Aurore Vincenti ajoute que la racine protéiforme « skn » de ce mot renvoie aussi bien au concept de paix et de tranquillité qu’à l’incapacité de bouger. C’est la raison pour laquelle le terme miskine flirte avec la pitié et le mépris, deux sentiments qui ne peuvent pas être interchangés.

Le Français s’est construit en se nourrissant d’expressions et de mots venus de l’étranger. Toutefois contrairement aux idées reçues, le terme miskine n’est pas du franglais. Tout comme « starfoullah », « habibi » ou encore « mashallah », il vient de l’arabe « miskin » qui peut se traduire par « pauvre ». La langue arabe a permis l’entrée de termes argotiques tels que « miskine » qui est un adjectif provenant directement du vocabulaire anglophone. Ce terme est, à l’origine, utilisé pour désigner la tristesse, le désespoir ou la détresse dans laquelle se trouve une personne bouleversée. Toutefois, sa signification a évolué depuis qu’il est fréquemment employé dans le langage des jeunes. Ce terme peut avoir un sens négatif dans certaines situations. Miskine ou miskina au féminin permet désormais d’exprimer la moquerie ou le mépris. Ce mot utilisé comme adjectif dans la langue française peut également évoquer une personne qui fait de la peine.

Histoire de la véritable étymologie du mot miskine

Un SDF assis par terre dans une ruelle Crédit photo : Motortion

Le terme miskine est issu du mot akkadien « mushkénu » ayant donné l’araméen « mishken » qui est utilisé dans l’Ancien Testament. Mushkénu peut être associé à la racine sukénum qui signifie « se prosterner » ou « se courber » par soumission. Cela pourrait être la cause de la connotation péjorative du terme dans ses utilisations modernes. Au contraire, une variante « mushkénum » relevée dans les tablettes syriennes permet de lier le terme à la racine « sakanum » ayant comme signification « habiter » ou « s’installer ». En ce sens, les mesquins sont les natifs ou les habitants du pays. Le terme mushkénu aurait ainsi comme signification « les locaux » ou « les indigènes ».

En réalité, l’étymologie renseigne assez mal sur la personne désignée dans le Proche-Orient ancien par mushkénu.

Outre cela, les lettres administratives de Mari affirment que les mushkénu sont des personnes indépendantes qui possèdent des terres. Ce terme désigne ainsi des individus libres et non soumis. Un mushkénum peut donc être une personne riche ou pauvre.

Quoi qu’il en soit, le mot « miskine » prend rapidement une connotation péjorative dans le langage des jeunes.

Comment utiliser le mot miskine ?

Une jeune fille qui se fait moquer par d’autres filles Crédit photo : Daisy-Daisy

À l’origine, l’expression miskine s’utilise essentiellement pour évoquer une personne qui fait pitié à cause de difficultés auxquelles elle fait face. Dans son sens original, ce terme issu de l’arabe s’emploie comme expression de pitié associée à de la compassion. « C’est terrible ce que cette femme doit endurer, miskine ! ». À savoir que ce mot arabe est arrivé en France par l’intermédiaire des Espagnols (mezquino) et des Italiens (meschino). Il est à l’origine du terme français mesquin qui signifie « celui qui s’attache à ce qui est petit ou qui manque d’élévation, de grandeur et de générosité ». En effet, les termes miskine et mesquin sont cousins. À noter que « miskina » est la forme féminine de miskine et « masakin » est la forme masculine pluriel.

L’utilisation de ce terme a cependant évolué aujourd’hui. Il est surtout employé par les jeunes pour se moquer de quelqu’un que l’on plaint. Ce terme miskine était traditionnellement utilisé pour mettre l’accent sur la compassion ressentie pour la personne. Toutefois, il sert désormais surtout à désigner le mépris adressé à une personne.

Voici deux exemples de phrases où l’expression miskine met en avant la compassion exprimée envers une personne frappée par un coup de sort :

« Miskine, toute sa vie s’est effondrée après avoir perdu sa femme et ses enfants. » / « Miskine, ce SDF meurt de froid dehors avec ce froid de canard. »

Dans les exemples suivants, ce terme possède un sens péjoratif et moqueur :

« Miskine, on dirait un clochard avec ces vêtements. »/ « Cette fille est très laide avec son pull, Miskine. »

Aujourd’hui, « miskine » s’emploie surtout pour se moquer gentiment d’une personne ou de manière plus péjorative pour exprimer le mépris que l’on ressent envers elle. Que ce soit un individu qui tombe dans la rue provoquant le rire des passants ou quelqu’un qui mérite le pétrin où il se retrouve, la « miskinerie » renvoie à plusieurs types de contexte. Dans tous les cas, miskine est utilisé pour évoquer une certaine indifférence face à la situation qui se présente.

Par ailleurs, ce terme est surtout utilisé en début de phrase. Toutefois, il est possible de l’employer en milieu ou en fin de phrase. De plus, les jeunes préfèrent utiliser la version contractée de miskine qui s’écrive « mskn » en langage SMS. C’est la raison pour laquelle le véritable sens de ce terme peut parfois se perdre.

Miskine en musique

Une femme qui semble être désemparée dans la foule Crédit photo : Tero Vesalainen

De nombreux artistes/chanteurs utilisent le mot « miskine » dans leur parole. En voici quelques exemples :

  • Lomepal, « Palpal », Flip, 2017

« Mélange de pilules et de whisky, miskine/Tu vas finir comme Octave Parango. »

  • Aladin 135, « À peine majeur », À peine majeur, 2014

« Autant vous dire que j’men bats les couilles d’être authentique/ça t’fait d’la peine, miskine, t’es trop sensible ! »

  • La Boussole, « Le son des miskines », 2004

« C’est le chant des miskines, des continents qu’on éventre. / Le parfum du nénant, d’un grain de riz dans le ventre / d’Europe, d’Asie, d’Amérique ou d’Afrique / Une lourde pensée pour mes démunis de fric. »

  • Josh, « Miskina »

« Miskine, tous les soirs, j’repense à toi

Miskine, tous les soirs, j’repense à toi

Maintenant, même dans mes rêves, je te vois

Ça y est, tu m’as piqué, j’y crois pas

Miskine, tous les soirs, j’repense à toi

Miskine, tous les soirs, j’repense à toi

Maintenant, même dans mes rêves, je te vois… »

  • Le rappeur Disiz La Peste, Miskine avec Mad

« Y’a des jours avec, y’a des jours sans/tant qu’y a la gamelle, on est toujours vivant/c’est pour tous les miskines, les miskines/celle-là c’est pour tous les miskines, les miskines »

La célèbre rappeuse Diam’s utilise également ce terme dans sa chanson « Confession nocturne » ou elle dit « Tu fais le miskine mais tu viens de briser mon amie / T’es pas un homme, t’es qu’une victime… »

Autres adjectifs du langage des ados

Des jeunes qui sont en train de discuter et rire Crédit photo : ViewApart

Vous côtoyez souvent des adolescents ? Votre ou vos ados emploient des expressions qui vous sont inconnues ? Il est important de noter que les jeunes passent par une période de transition pendant laquelle ils se construisent une identité. C’est pendant cette période qu’ils choisissent leur style vestimentaire, s’identifient à une musique et adoptent un mode de langage qui les démarque. Cela leur permet de se distinguer des enfants qu’ils ne veulent plus être et de se distancier des adultes pour faire face à leur autorité. Le « parler jeune » ou « l’argot » est donc un moyen de provoquer les adultes tout en s’identifiant aux autres jeunes.

Les mots d’argot français viennent surtout de l’arabe et du romani. Le mot « miskine », notamment, est d’origine arabe. Il est utilisé comme un adjectif pour désigner « le pauvre », « le pathétique » ou le « malheureux ». Voici quelques exemples d’adjectifs fréquemment utilisés par les jeunes :

  • Auch qui est le verlan de chaud pour désigner une situation compliquée.
  • Carré qui signifie net ou bien.
  • Cheum pour dire moche.
  • Dar pour parler d’une chose ou d’une personne vraiment bien.
  • On fleek qui signifie très stylé ou très belle.
  • Le S/Le sang/Le sang de la veine pour désigner le meilleur des meilleurs amis.
  • Tarba qui est le verlan de bâtard.
  • Sah qui signifie sérieux.
  • Fraîche pour parler d’une jolie fille ou mignonne.
  • Breusson, verlan de sombre, désigne une situation très difficile.
  • Lourd qui signifie bien ou puissant.
  • Missile pour parler d’une fille magnifique.
  • Chanmé qui signifie « génial », « remarquable » ou « admirable ».

Au sujet de l'auteur : Nadia R.

Rédactrice