“Bolosse” : l'origine et la signification de ce mot

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Vous entendez souvent l’expression « bolosse », mais vous ne savez pas ce qu’elle veut dire, ni, d’où elle vient. Lisez ce qui suit pour obtenir les réponses.

Qu’est-ce qu’un « bolosse » dans le langage ado en France ?

Un homme portant des pantoufles et un peignoir dans un métro. Credit : ferrantraite

Tous les ans, le dictionnaire reçoit de nouveaux mots afin de mieux coller à l’évolution et à la réalité de la langue française. Grâce à des mots d’origine française et étrangère, le Larousse s’est modernisé avec l’adoption de mots quotidiens tels que byriani, Ponzu ou lomo embuchado. Toutes ces expressions témoignent l’influence de la mondialisation dans la nourriture. Big data, tuto, selfie, webdesign… Tous ces termes quant à eux reflètent l’omniprésence des nouvelles technologies dans le quotidien des Français.

Ces dernières années, un mot fourre-tout utilisé pour insulter ou se moquer de quelqu’un a fait son entrée dans les usages de la rue. Il s’agit du terme « bolosse ». Personne ne sait comment il s’écrit vraiment : bolos, boloss, bolosse… Dans tous les cas, à l’oral, dans les lycées, sur les blogs ou sur MSN, ce terme désigne « une victime », un pigeon » et « un être faible ».

En 2015, le dictionnaire Larousse définit un « bolos » comme étant une personne peu courageuse, naïve, ridicule, voire même stupide. Utilisée dans une phrase, elle donne cela : « Tu nous as lâchés au dernier moment, t’es qu’un bolos ! ». Le dictionnaire Grand Robert avait, quant à lui introduit ce mot depuis 2013. Il la définissait comme suit : « fait initialement référence aux clients de dealers, mais qualifie plus largement une personne présentée comme imbécile ou naïve ».

Désormais, l’expression « bolosse », « bolos » ou « boloss » fait partie intégrante du vocabulaire quotidien des Français. Cependant, nul ne connaît ses origines. D’ailleurs, même les grands spécialistes de la linguistique comme Pierre Goudailler ou Alena podhorna-policka ont des avis différents sur l’origine son étymologique.

  • Le sens du mot « bolosse » selon le professeur de linguistique Pierre Goudailler

Pour le linguiste Pierre Goudailler, le mot « boloss » serait une déformation en verlan de l’expression « lobotomiser ». Ce dernier est utilisé pour désigner les jeunes qui sont défoncés au cannabis. À noter que cette hypothèse n’est jusqu’à ce jour pas encore vérifiée.

  • Le sens de l’expression « bolosse » d’après Alena Podhorna-Policka

Les deux linguistes Alena Podhorna-Policka et Anne Caroline Fiévet ont mené l’enquête autour du mot « boloss » et sa diffusion en France.

Pour reconstituer au moins en partie, l’histoire du mot bisyllabique, les spécialistes du lexique ont passé quelques années dans plusieurs cités sensibles de la banlieue parisienne, notamment Garges-lès-Gonesse et Île-de-France.

Après avoir mené leur enquête auprès des adolescents et des jeunes adultes habitant le Val-de-Marne, les deux linguistes ont pu identifier les premières traces de « bolos » en 2003. Résultat ? Le mot « boloss » désigne des acheteurs de cannabis qui sont traités de « bolos » par les trafiquants dans le sens de « gogos », de « jobards » ou de « pigeons ». 3 années plus tard, le terme s’est développé dans d’autres villes de banlieue parisienne. La preuve ? Les rappeurs ont commencé à s’en servir régulièrement dans les paroles de leurs chansons. Cela est par exemple le cas de Booba, SNIPER et de 113.

« Boloss » : un mot parfaitement intégré dans le rap français

Un homme assis sur une branche qu’il s’apprête à couper.  Crédit : photoschmidt

S’il y a bien un domaine qui a parfaitement intégré le mot « boloss » dans la langue française, c’est sans conteste le rap. La preuve, en 2006, le groupe SNIPER a sorti leur titre intitulé « Trait pour trait » dans lequel les rappeurs disent : « Les Mc’s parlent mal rêvent de bastos, Les khrmal ont pris des balles c’était à Roland Garros, Bolos, en émotions le parcours est chargé, Largué par l’institution, la nation m’a largué, frelon ».

La même année, le rappeur originaire de Vitry-sur-Seine Booba intègre également l’expression « Boloss » dans les paroles de son single s’intitulant « Je me souviens ». Dans le dernier couplet de cette chanson, il dit :

« Au lycée, les surveillants viennent me voir pour pé-cho du popo.

Hé, prend ton shit et casses-toi, boloss (casses-toi !) ».

Booba utilise également le mot « Boloss » dans ses deux autres titres « 5G » et « Attila » où il écrit :

« J'm'en bats les couilles en vrai, demande à Shay
Les insultes des boloss ne me font plus d'effet (plus d'effet) ».

« Seul, négro, j’vais te coloniser
T’as zéro swag’zer on va te Olomider
Première dose gratos, le bolosse est fidélisé »

En 2008, le mot « boloss » fleurit chez le groupe 113, composé de 3 amis Mokobé, Ap et Rim’ K. En effet, ces derniers incluaient mot bisyllabique dans leur chanson « Marginal » : À son tour, le groupe originaire de Vitry-sur-Seine chante :

« On a notre propre langue et codes, bollos ! ».

Il convient de noter que le rappeur français Youssef Soukouna, alias « Sefyu » a aussi utilisé le mot « boloss » dans l’un de ces titres :

« Pour toi, dans le ghetto, les faces de babtou (Blancs) sont des indics ou bollos parce que leur peau est trop rose. »

« Bolosse » : l’argot qui a su intégrer le cinéma et la littérature

Un homme avec la tête coincée dans le sable. Credit : jgroup

À partir de 2006, le mot « boloss », « bolosse » ou « bolos » fait son apparition dans les médias de masse. D’ailleurs, les deux linguistes Alena Podhorna-Policka et Anne Caroline Fiévet l’ont entendu dans « Secret Story », une émission qui passait sur la chaîne télévisée TF1 en 2007. Elles l’ont aussi entendu sur la station de radio FM musicale privée française « Skyrock ».

L’expression « boloss » a en outre intégré le milieu du septième art. En effet, elle était utilisée dans les scripts de plusieurs films et séries télévisées françaises, à savoir :

  • « Entre les murs » de Laurent Cantet ;
  • « Neuilly» de Gabriel Julien-Laferrière ;
  • Etc.

D’autre part, le terme « boloss » figure aussi dans plusieurs œuvres littéraires de nombreux écrivains de renom comme :

  • Aurore Vincenti et Alain Rey (Les mots du bitume) ;
  • Daniel Pennac (Chagrin d’école) ;
  • Katherine Pancol (Trois baisers) ;
  • Etc.

Remarque : quelques années après la popularisation du mot « boloss », d’autres types d’argots ont progressivement intégré le parler dit « djeun’s ». Comme par exemple : "cheh", "yomb", "gow", "bsahtek", "oklm" etc.

  • « Avoir le swag ou du swag »

En général, le mot « swag » est utilisé pour désigne le « style », la « classe » d’une personne. En anglais, « to swag » est un verbe qui veut dire « se mettre en avant » ou « frimer ». De ce fait, une personne qui a du « swag » est quelqu’un qui a de l’allure et qui adore le montrer. Pour faire simple, il s’agit d’un(e) frimeur (se).

  • « Tain, tu vas douiller »

Comme le terme « boloss », le verbe « douiller » a connu une évolution. À l’origine, cette expression dénotait une dépense risquée ou encore un achat douloureux. À titre d’exemple, nous pouvons citer :

  • « Ouille, ouille, ouille ! Ça douille vraiment. C’est cher ! »
  • « Il va douiller ! C’est sûr, il va casquer ! »

Au fil des années, les notions d’argent et de souffrance ont fini par se mélanger. Résultat ? Les phrases « Tu vas douiller » et « Tu vas prendre cher » sont devenues synonymes des 3 verbes suivants :

  • Ramer ;
  • Peiner;
  • Souffrir.

 

  • « Avoir le seum »

Cette expression est utilisée par les jeunes adultes et les adolescents pour dire qu’ils dépriment ou qu’ils traversent un coup dur. Certains s’en servent également pour dire qu’ils ont un petit « coup de blues » et ont besoin d’être seuls.

L’évolution du terme « Bolosse » dans le temps

Un jeune homme tenant un volant noir qui ne sait pas quelle direction choisir. Credit : ra2studio

Au fil des années, le sens du mot « boloss » évolue en fonction des périodes et des utilisateurs. Du simple « pigeon » ou « gogos », le sens du terme passe à un « blanc bec » ou un « bourgeois » méprisé, car il vient de se faire « victimiser » ou « voler ».

À compter de 2008, l’expression « bolosse » sort peu à peu de la banlieue parisienne. Elle commence à toucher bon nombre des centres urbains des grandes métropoles. Les linguistes constatent que sa signification évolue progressivement vers une définition plus étendue. En effet, « bolos » devient synonyme de « bouffon », un mot généralement utilisé pour désigner les personnes considérées par la société comme « naïfs » ou « abrutis ».

Malgré son évolution, l’origine du terme « boloss » reste toujours mystérieuse. Les deux linguistes Alena Podhorna-Policka et Anne Caroline Fiévet ont tenté de suivre une dizaine de pistes proposées par des utilisateurs, mais n’ont pu trouver des résultats satisfaisants. Ci-après quelques-unes de ces pistes :

  • La piste malienne : elle se démarque par son emprunt à une expression soninké qui signifie « pigeon ». Cette hypothèse est toutefois peu probable pour Alena Podhorna-Policka et Anne Caroline Fiévet.
  • La piste espagnole : cette solution conduit vers un mot d’argot local servant à désigner les fous, les imbéciles. Les deux linguistes la jugent toutefois incertaine.
  • La piste du verlan: il s’agit de la seule hypothèse que les deux linguistes jugent crédible, mais avec prudence. En effet, il est fort probable que le terme « lauss », verlan de salaud, ait donné le terme « mon lauss ». Ce dernier aurait pu évoluer vers l’expression argotique « boloss ».

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Au sujet de l'auteur : Nadia R.

Rédactrice